La Forêt Lorraine décimée par la tempête Nous avons recueilli sur cette page quelques informations concernant la tempête qui a sévi sur toute la France fin décembre 1999. Comment ne pas consacrer une page à notre belle forêt Lorraine si durement touchée.
N'oublions pas que la forêt est un milieu d'une grande richesse ou vivent quantité d'animaux. Ce drame a peut-être eu le mérite de nous rappeler combien elle est fragile.
"On en a pour deux ans de nettoyage", se désole Jean-Hugues Bartet, directeur régional de l'Office national des forêts (ONF) de Lorraine, venu encourager dans la forêt de Haye six des 12.000 bûcherons attelés à la tâche en Lorraine après la tempête. Dans cette forêt proche de Nancy, les six bûcherons, aidés d'un engin tout-terrain muni d'une pince mécanique, avancent à 30 mètres à l'heure au milieu d'un incroyable enchevêtrement d'arbres qu'ils ont baptisé le "Mikado". Mais leur travail, qui consiste en premier lieu à dégager les voies d'accès, n'a rien d'un jeu. Il est en effet difficile de savoir quelle branche tient l'autre et risque de libérer un morceau de bois en tension dont le mouvement pourrait s'avérer fatal.
"Pour un promeneur non-averti, il faudra 50 ans avant de retrouver quelque chose qui ressemble à une forêt, et 100 ans pour retrouver ce qu'il y avait avant la tempête", analyse-t-il tristement. "C'est nos tripes qui se retournent", lâche-t-il, la gorge nouée devant le spectacle de milliers d'arbres cisaillés ou arrachés de la forêt de Haye, où les deux tiers des 6.500 hectares boisés ont été ravagés par des vents qui ont soufflé à 144 km/h dimanche 26 décembre.
Quelque 18 millions de m3 de bois des forêts publiques lorraines ont été abattus par les bourrasques, soit six années de production normale. Ce bilan pourrait être porté à 20 millions de m3 en comptant les forêts privées. "C'est une véritable catastrophe économique", commente Jean Dumont, directeur régional de l'agriculture et de la forêt, autorité de tutelle de l'ONF, venu lui aussi constater l'ampleur du désastre. "Une quantité abominable de bois va arriver sur le marché, car, passé le printemps les bois vont pourrir et les prix vont baisser. Et les tempêtes ont frappé l'Europe toute entière: les exportations seront limitées", poursuit-il, rappelant que 27.000 emplois sont générés en Lorraine par la filière bois. "C'est aussi une catastrophe écologique: l'habitat de la faune est détruit, les conséquences sur l'écoulement de l'eau seront dramatiques, sans parler de l'éclairement brutal aux beaux jours qui va endommager la flore en l'absence de feuillages", enchaîne M. Bartet. "Et dire que c'est le travail de 5 à 6 générations de forestiers qui vient d'être mis à terre ! Je crois que c'est pire qu'après la Grande Guerre", conclut-il. L'Office national des forêts (ONF) vient de dresser un état des lieux provisoire de la catastrophe et de ses conséquences
- Combien d'arbres ont été abattus ?
L'ensemble de la forêt française a perdu près de 115 millions de mètres-cube de bois. Par comparaison, le volume de bois sur pied de la forêt française est estimé à 1,9 milliards de mètres-cube.
- Quelles sont les régions les plus touchées?
Les régions les plus touchées pour la forêt publique sont, par ordre décroissant, la Lorraine, la Champagne-Ardenne, l'Alsace et la Franche-Comté.
L'ONF n'est pas encore en mesure d'établir une ventilation par types d'arbres (feuillus ou résineux). - Pourquoi stocker le bois?
Les scieries ne peuvent en quelques semaines débiter l'équivalent de deux ans et demi de récolte. De plus, un afflux massif de bois provoquerait un effondrement des cours, puis une pénurie dans deux ou trois ans. Le stockage permettra de réduire ces à-coups.
- Peut-on stocker le bois sans danger ?
Beaucoup d'arbres peuvent s'abîmer très rapidement. Champignons et insectes attaquent en effet le bois de certaines essences, comme le hêtre, l'épicéa et certains pins, dès que le taux d'humidité est inférieur à 80%. Pour les arbres déracinés, ces risques résultent directement de l'arrêt de l'approvisionnement en sève. Le printemps sera une période critique, les risques étant particulièrement élevés quand la température dépasse 10 degrés. Pour prévenir ce risque, il fat arroser ou immerger les billes de bois. L'arrosage est la technique la plus courante, à condition que l'eau soit récupérée et traitée pour éviter la pollution par les tanins du bois.
- Peut-on se promener dans les bois ?
Il est particulièrement dangereux de se promener dans les bois et forêts dévastés par la tempête. La plupart ont d'ailleurs été fermés par arrêté municipal ou préfectoral. Beaucoup de troncs et de branchages jonchent encore les voies de circulation. Plus grave, de nombreuses branches cassées, des arbres ont été fragilisés et menacent de tomber.
Le Site ONF fait le point sur l'état des forêts en France
Le site Internet de l'ONF (Office national des forêts) dresse depuis un état des lieux des forêts publiques françaises après la tempête de la fin décembre ( www.onf.fr - rubrique "actualités"). L'ONF récapitule notamment, région par région, les quantités de bois abattus: le bilan, encore provisoire, fait état de 40,513 millions de m3 de bois abattu dans les forêts publiques et de 115 millions de m3 environ pour l'ensemble de la forêt française. Les régions les plus touchées pour la forêt publique sont la Lorraine, la Champagne-Ardenne, l'Alsace, la Franche Comté. Proportionnellement à la surface de forêts publiques, ce sont le Poitou-Charentes et la région Champagne-Ardenne où les dégâts sont les plus importants, rappelle l'ONF sur ce site. Outre quelques photos des forêts ravagées, l'ONF informe aussi sur la mobilisation de la filière bois (commercialisation, stockage, emploi et formation), les conséquences globales sur l'environnement et la reconstitution de la forêt. Pas de pénurie de Mirabelles de Lorraine
La production de mirabelles de Lorraine ne devrait pas souffrir du passage de la tempête du 26 décembre, et aucune pénurie n'est annoncée, même si une grande partie des vieux vergers ont été brisés ou déracinés, estiment les professionnels de la Mirabelle.
"Il n'y aura pas de péril sur la production, et pas de baisse de l'offre de mirabelles", assure Bruno Colin, producteur et directeur d'une coopérative de fruits de Saint-Nicolas de Port (Meurthe-et-Moselle). "L'ensemble de la production a peu souffert, surtout parmi les jeunes mirabelliers, plus souples, qui ont ployé sans casser, comme dans la fable", explique-t-il, en estimant les pertes potentielles entre 5 et 10 %, mais compensées par l'arrivée en production de nouveaux arbres.
Plus pessimiste, Hubert Grallet, président des producteurs de mirabelles estime que les pertes potentielles concernent entre 4 et 5.000 tonnes de fruit pour l'ensemble de la Lorraine, alors que la production annuelle moyenne avoisine les 15.000 tonnes. "Heureusement, nous avions entrepris depuis une dizaine d'années un vaste programme de replantation de jeunes arbres, qui n'ont pas été touchés et vont nous permettre de compenser le plus gros des pertes", ajoute-t-il. "On ne peut pas parler d'accident grave, même si bien sûr, localement, il y a quelques producteurs qui sont très durement touchés et pour qui la situation est dramatique", s'empresse-t-il d'ajouter.
Le plus souvent, ce sont des producteurs qui exploitaient de vieux vergers, avec des arbres qui avaient entre 70 et 80 ans, comme ceux de Jean-Claude Burté, producteur de fruits à Lagney, dont un quart de l'exploitation a été détruite par la tempête. "Pour les producteurs qui vivent de la mirabelle, la procédure de calamité agricole devrait être mise en place", explique M. Grallet. "Mais cette procédure ne concerne que les exploitations dont la mirabelle constitue au moins 14 % du revenu, et qui ont perdu au moins 27% de leur chiffre d'affaire dans la tempête. Cela ne devrait toucher en réalité qu'une dizaine d'exploitants", prévoit-il.
Les conséquences sont plus problématiques pour les vergers familiaux, selon lui. "Presque tous les Lorrains ont au moins un mirabellier, c'est une tradition, un patrimoine local", explique-t-il. Mais pour les particuliers dont les arbres ont été déracinés ou brisés, aucune compensation n'est prévue. "Le risque, c'est que personne ne replante de mirabelliers. Il va falloir qu'on les incite à replanter, il en va de l'image de la Lorraine", estime M. Grallet. Près de 40 % des vergers familiaux sont touchés, surtout dans le sud de la Lorraine, selon M. Colin. "Si cela a peu d'incidence sur la production, car tous ces arbres n'étaient pas récoltés, c'est dramatique pour le paysage et pour les niches écologiques. Sans les vieux arbres, l'équilibre écologique risque de souffrir, il va falloir être très vigilant ces prochaines années", conclut-il.